Le parcours de l’évêque Philippe Rukamba a débuté en 1974, lorsqu’il a été ordonné prêtre au diocèse de Kibungo. Après 23 ans dans le milieu sacerdotal, il a été nommé évêque du diocèse de Butare en 1997, succédant ainsi à Jean Baptiste Gahamanyi.
Son mandat a commencé pendant des périodes difficiles, peu après le génocide perpétré contre les Tutsi, alors que le Rwanda portait encore les cicatrices physiques et émotionnelles de cette tragédie.
Au cours d’un entretien exclusif avec le journal Igihe, suite à l’annonce de sa retraite, l’évêque Rukamba a réfléchi sur ses 27 ans de service, mettant en avant son engagement profond pour la réconciliation et la guérison au lendemain du génocide de 1994.
Il a exprimé un sentiment de satisfaction d’avoir joué un rôle significatif dans le pansement des plaies de la communauté de Butare, une région qui a été le théâtre des pires atrocités commises durant le génocide perpétré contre les Tutsi.
« La ville de Butare a vu beaucoup de morts. Elle figure parmi les villes qui ont compté le plus grand nombre de victimes pendant le génocide, par rapport aux autres localités du Rwanda. Butare est aussi la ville où de nombreuses personnes ont été emprisonnées. La première chose que l’on pouvait y remarquer était la désolation et les pleurs. C’était vraiment une période très difficile », a raconté l’évêque.
Après avoir constaté que la région comptait de nombreux orphelins et adultes en deuil, l’évêque a fait de la guérison des esprits et des âmes son objectif principal.
« Il s’agissait de réparer le cœur des gens, d’aider ceux qui souffraient encore, car la foi vient du cœur et de nulle part ailleurs. Je suis heureux de constater qu’à l’approche de ma retraite, les gens sont maintenant en paix. Aujourd’hui, la jeunesse a une vision différente. Nous avons mené de nombreuses actions liées à la guérison des âmes, aidant ainsi les gens à se réconcilier et à pardonner, permettant aux enfants d’accéder à l’éducation, en bref, à améliorer les conditions de vie, ce qui a mené à une vie meilleure », a-t-il partagé.
L’héritage de l’évêque Rukamba inclut également l’ordination de 115 prêtres, la contribution à la création de l’Université Catholique du Rwanda, ainsi qu’une participation active dans diverses initiatives qui ont significativement amélioré le mode de vie des Rwandais.
Mariages de prêtres - désertion du devoir
Concernant la question des prêtres abandonnant leur vie au sein de l’Église catholique pour se marier, l’évêque Rukamba a comparé cela à un divorce.
Il a souligné que ceux qui ont choisi le chemin sacerdotal le font avec un engagement au célibat et à une vie entièrement dédiée à Dieu seul.
« Quand un prêtre quitte le milieu sacerdotal, pour moi, c’est comme divorcer de son épouse. Il y a toujours des gens qui rencontrent des difficultés, et quand les choses ne se passent pas comme prévu, ils décident d’abandonner. Il n’y a pas de raison de s’alarmer », a-t-il expliqué.
« Si vous analysez cela globalement, certains diront que c’est bien, mais si vous accordez aux prêtres le droit au mariage, il faut être conscient que certains d’entre eux pourraient aussi divorcer. Comment pourrions-nous gérer cela ? Serait-il possible pour un prêtre divorcé de continuer à exercer en tant que prêtre ? Quel serait alors son enseignement ? »
L’évêque a évoqué les défis rencontrés par les prêtres qui se marient, notamment dans la religion orthodoxe où le mariage est permis, et a noté la complexité qui survient lorsque l’union ne fonctionne pas.
L’évêque Rukamba a déclaré que même si un prêtre abandonne sa vocation pour se marier, celui-ci reste toujours prêtre car c’est un sacrement qui ne prend jamais fin, mais il ne peut plus exercer dans l’Église en tant que tel. Cependant, l’Église leur donne la possibilité de se marier en son sein, bien que cela nécessite un long processus.
« Cela ne leur retire pas leur statut de chrétien, car actuellement l’Église les accompagne même en leur prodiguant des conseils sur la manière de se marier au sein de l’Église à travers des canaux appropriés. Cela prend du temps de passer par toutes les étapes nécessaires, mais cela advient lorsque l’on ne peut plus exercer comme prêtre du tout. »
La question de l’homosexualité au sein de l’Église
En ce qui concerne l’homosexualité, l’évêque Rukamba a maintenu la position de l’Église sur ce sujet, affirmant que l’Église ne peut pas accepter un mode de vie basé uniquement sur le plaisir de la chair.
« En tant qu’Église, nous ne pouvons pas accepter cela. Ces personnes ne recherchent que du plaisir, et ce mode de vie vient du continent européen. Ce phénomène est très ancien, il n’est pas nouveau. Vivre ensemble uniquement pour le plaisir est quelque chose que l’Église ne peut pas accepter. »
La loi en vigueur au Rwanda ne reconnaît que le mariage entre un homme et une femme.
L’évêque Rukamba a également souligné que l’Église catholique ne reconnaît que l’union entre un homme et une femme, et que quiconque s’écarte de ce chemin devrait être aidé à revenir sur la bonne voie.
« Le mariage est uniquement entre un homme et une femme. Cela ne signifie pas qu’il faut éviter ceux qui se sont égarés car ils peuvent être des frères, des sœurs, des amis ou même ses propres enfants. Nous devons continuer à les soutenir même si le chemin qu’ils ont emprunté n’est pas le bon. »
L’évêque a affirmé que tenter de détourner une personne de ses tendances homosexuelles n’était pas une tâche facile car il s’agit d’un comportement profondément ancré.
Retraité mais pas fatigué
L’évêque a mentionné que malgré son départ à la retraite, il est loin d’être à bout de souffle car il continuera à enseigner dans les séminaires et autres institutions, affirmant avoir toujours l’énergie d’accomplir les fonctions qui lui sont assignées.
L’évêque Rukamba a conseillé à son successeur en tant qu’évêque du diocèse de Butare de privilégier le renforcement de la foi chez les jeunes, en veillant à ce qu’ils restent des chrétiens inébranlables, et de continuer à soutenir les familles, qui font face à des défis significatifs même aujourd’hui.
Il est normal pour un évêque atteignant l’âge de 75 ans de notifier au pape son intention de prendre sa retraite. Toutefois, le Pape doit approuver la demande. La retraite prend effet lorsqu’un successeur est désigné.
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