Des bruits de bottes au palais à Kinshasa

Redigé par Tite Gatabazi
Le 25 avril 2025 à 01:13

Dans le clair-obscur des régimes fragiles, là où la démocratie peine à fonder ses assises sur l’épaisseur de l’État de droit et où les institutions tanguent au gré des loyautés personnelles plutôt que des principes républicains, il n’est pas rare que la tentation des armes vienne se substituer à la patience politique.

La récente tentative avortée de soulèvement militaire à Kinshasa, menée dans le sillage du soi-disant « coup d’État » orchestré par Christian Malanga, s’inscrit dans cette dramaturgie inquiétante où le grotesque flirte dangereusement avec le tragique.

Le fait brut est connu : dans les jours qui ont suivi le tumulte provoqué par Malanga, un groupe d’environ quarante officiers des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) a enregistré une vidéo dans un hôtel de Bandalungwa.

Sur un ton martial mais emprunt de confusion, ils proclamaient la fin du régime du président Tshisekedi, et s’érigeaient en nouveaux maîtres du pouvoir. Leur apparition, aussi surréaliste qu’illégitime, trahit moins une stratégie concertée qu’un désespoir militaire mal contenu, un théâtre de l’absurde où l’ambition individuelle se pare des oripeaux de la restauration nationale.

L’on pourrait, à juste titre, sourire devant la vacuité opérationnelle d’un tel acte : point de casernes conquises, point de relais médiatiques contrôlés, point de ralliement populaire, simplement une gesticulation dans une chambre d’hôtel, filmée à la va-vite, comme si le pouvoir pouvait se confisquer par la seule magie d’un téléphone portable.

Mais ce sourire ne saurait faire écran à la gravité de la situation. Car derrière cette farce putschiste se profile un mal autrement plus pernicieux : la lente érosion de l’autorité régalienne, la perte de crédibilité du commandement militaire, et surtout, la persistance de zones de frustration larvée au sein d’une armée nationale écartelée entre devoir constitutionnel et fidélités obscures.

Il convient d’interroger le terreau sur lequel germent ces velléités séditieuses. L’armée congolaise, lourdement éprouvée par des décennies de conflits, de rébellions intégrées et de purges politiques, demeure un corps sans boussole éthique, souvent sans cap stratégique, au sein duquel la discipline républicaine se heurte à la tentation de la prébende.

En l’absence d’une refondation doctrinale et morale des FARDC, il est à craindre que d’autres foyers d’instabilité ne s’embrasent tôt ou tard, alimentés par la désillusion, la pauvreté et l’illusion de l’impunité.

La réponse judiciaire apportée par les autorités, qui ont procédé à l’arrestation des mutins et ont engagé des poursuites, est une nécessité première : un État digne de ce nom ne saurait transiger avec ceux qui rêvent de saborder la démocratie par le vacarme des armes.

Mais au-delà de la répression ponctuelle, c’est un sursaut d’envergure qu’exige l’heure : il faut assainir les chaînes de commandement, réhabiliter le sens de l’honneur militaire, garantir aux soldats un horizon de dignité, et faire en sorte que l’uniforme ne soit plus l’ultime refuge des laissés-pour-compte ou des apprentis-despotes.

Ce coup de théâtre, misérable par son amateurisme mais révélateur par son surgissement, doit sonner comme un avertissement pour le pouvoir civil. La légitimité ne se décrète pas, elle se cultive. Or, là où le politique se révèle incapable de fédérer, de convaincre, de rassurer, les militaires les plus téméraires ou les plus cyniques peuvent être tentés de combler le vide, fût-ce au mépris de l’ordre constitutionnel.

Ainsi, ce qui s’est joué dans cette chambre d’hôtel de Bandalungwa n’est pas une prise de pouvoir, mais une alerte rouge sur l’état de la nation. Car lorsque les bottes s’invitent au palais, ce n’est jamais par hasard.

C’est souvent que le silence des gouvernants, l’inertie des institutions et le désespoir des gouvernés ont ouvert la voie. Il appartient donc à la République si elle veut survivre à ses propres démons de réinvestir la force publique d’un idéal supérieur, où l’obéissance se conjugue avec l’intelligence de l’histoire, et où le sabre ne rêve plus de trône.

Sylvain Ekenge, Porte Parole des FARDC

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