Les plaignants dénoncent le contenu du livre controversé de Charles Onana, « Rwanda, la vérité sur l’Opération Turquoise : Quand les archives parlent », publié le 30 octobre 2019. Dans cet ouvrage, Onana remet en cause l’existence d’un plan préconçu pour exterminer les Tutsi et affirme que le gouvernement rwandais aurait manipulé les faits pour tromper la communauté internationale. Ces affirmations, jugées révisionnistes, ont provoqué un tollé parmi les associations de victimes et les défenseurs de la mémoire du génocide perpétré contre le Tutsi en 1994 au Rwanda.
Face aux juges, Charles Onana a défendu ses écrits en assurant qu’ils reposaient sur des recherches approfondies, fondées sur des documents issus des archives du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) basé à Arusha, ainsi que sur des analyses d’experts en géopolitique de la région des Grands Lacs. Il soutient que ses travaux sont une « quête de vérité » sur l’Opération Turquoise, une intervention militaire controversée menée par la France au Rwanda en 1994, qui visait officiellement à protéger les civils mais qui est souvent accusée d’avoir servi à protéger les génocidaires hutu.
Cependant, le président du tribunal a rappelé à l’accusé que la reconnaissance du génocide des Tutsi est unanime au niveau international, en particulier depuis son inscription dans les annales des Nations Unies, et que toute tentative de nier ou de minimiser ce fait constitue un crime puni par la loi en France. En effet, la loi Gayssot de 1990 réprime la négation des crimes contre l’humanité, y compris le génocide des Tutsi, reconnu par plusieurs instances judiciaires internationales.
Outre Charles Onana, Damien Sirieix, éditeur du livre sous la maison d’édition L’Artilleur, comparaît également dans ce procès. Sirieix, qui a travaillé à la publication du livre incriminé, a déclaré qu’il ne faisait que son travail d’éditeur et qu’il n’était pas responsable du contenu des ouvrages qu’il publie. Il a affirmé ne pas partager les opinions exprimées dans le livre de Onana mais simplement offrir une plateforme de libre expression à ses auteurs. Une défense qui pourrait toutefois ne pas convaincre les juges, car l’éditeur reste co-responsable de la diffusion d’ouvrages potentiellement diffamatoires ou mensongers.
Ce procès a attiré l’attention tant en France qu’au Rwanda. Le génocide des Tutsi, qui a fait plus d’un million de morts en seulement trois mois en 1994, reste un sujet extrêmement sensible. Le révisionnisme et la négation de ce crime odieux sont considérés comme des attaques directes contre les survivants et les familles des victimes, ainsi que contre l’histoire elle-même.
Selon les informations rapportées par la BBC, plus de 50 témoins sont attendus à la barre pendant le procès, qui se poursuivra jusqu’au 11 octobre 2024. Parmi eux, on retrouve des experts, des rescapés du génocide, ainsi que des témoins internationaux qui se prononceront tant en faveur de l’accusation que de la défense. Ce procès pourrait marquer un nouveau chapitre dans la lutte contre la négation du génocide des Tutsi et renforcer la nécessité de protéger la mémoire des victimes contre toute tentative de révision historique.
Le procès de Charles Onana relance également le débat sur les limites de la liberté d’expression, notamment en ce qui concerne la diffusion d’idéologies négationnistes et révisionnistes. Si les partisans de la liberté d’expression totale considèrent que la censure d’ouvrages comme celui de Onana constitue une menace pour les droits fondamentaux, les défenseurs des victimes insistent sur le fait que la négation du génocide des Tutsi est une insulte aux rescapés et une forme de violence morale inacceptable.
Le verdict de ce procès, qui sera rendu à la mi-octobre, est très attendu, car il pourrait constituer un précédent important dans la lutte contre le révisionnisme et l’impunité des discours négationnistes.
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